CE - 19/06/2020 - ABUS DE DROIT ET CHARGE DE LA PREUVE
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"L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales."
28/12/ 2004, un contribuable avec 2 autres associés, crée une société financière ayant pour objet l'acquisition et la gestion de titres sociaux. Le même jour, il cède à cette société des titres qu’il détenait dans une SAS constituée le 8 janvier 2004, qui exerce l'activité de centrale d'achats d'espaces publicitaires. Par ailleurs, Il avait inscrit les titres de la société financière dans son PEA pour leur valeur nominale. Le 20/06/ 2008, il cède l’intégralité de sa participation dans la société financière. Comme les titres étaient dans un PEA, il bénéfice d’une exonération d’imposition au titre de la plus-value procurée par les placements effectués dans ce cadre (CGI art. 157, 5 bis). Suite à un contrôle sur pièces, l'administration fiscale recourt à la procédure de répression des abus de droit, (LPF art L.64) et remet en cause, l'exonération dont avait bénéficié le contribuable au motif que la valeur des titres de la société financière avait été volontairement minorée lors de leur inscription sur le PEA pour assurer le respect du plafond de 132 000 € applicable en 2004 En 1re instance, les contribuables sont déboutés, ils se pourvoient en appel puis cassation. Le Conseil d’État casse et annule l’arrêt d’appel, et renvoie l'affaire. Pour le requérant la valorisation des titres retenue par l'administration était excessive faute d'avoir pris en compte le risque résultant d’un contentieux judiciaire opposant l'ancien employeur du contribuable à la SAS. Pour l’administration le contribuable avait constitué la société financière dans le seul but de respecter la limitation de sa participation et de celle de son groupe familial à 25 % des droits sociaux dans les bénéfices de la société émettrice. Pour le Conseil d’État, « en exigeant que le contribuable justifie de la nécessité de l’interposition de la société financière comme la seule voie possible pour atteindre l’objectif poursuivi », la cour a commis une erreur de droit.
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